Soufrance animal
Intervenante : Constance Treuillot
POUR UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA « SOUFFRANCE ANIMALE »
Introduction
Notre interrogation portera sur le statut philosophique et épistémologique de la douleur animale classiquement qualifiée de « seulement » animale, en opposition avec la souffrance humaine. Cette opposition constitue l’un des paradigmes du modèle de Descartes et constituera aussi le fil conducteur de cette présentation ; il s’agit d’abord de comprendre qu’une frontière est tracée entre douleur et souffrance au point d’en constituer deux domaines séparés. Dans un premier temps, nous développerons les fondements cartésiens de la mise en place d’une telle rupture entre l’homme et l’animal ; puis nous tenterons de repenser le corps vivant pour accéder à la réalité de la douleur ; enfin, nous aborderons la souffrance comme fond, comme disposition essentielle naissant avec la formation du Soi.
1. Les fondements cartésiens de cette opposition
L’animal cartésien, nous allons le voir, est une idée vide de contenu, un signifiant sans signifié, dont les manifestations de douleur ne renvoient à rien et ne présentent que les signes de la douleur ; Dans le cadre de la structure ontologique cartésienne se déploie une conception de la douleur animale comme
« affection non-affectante », statut bien paradoxal de la douleur animale.
Selon Descartes en effet, l’esprit est immédiatement informé de la sensation dont le corps est touché ; il n’appartient par conséquent qu’à l’homme de ressentir la faim, la soif, la douleur, ou du moins d’avoir le sentiment de ces affections elles-mêmes. Là encore, il est question d’une réflexivité dont dépendraient les sensations physiques ; chez l’homme, la sensation d’avoir faim, soif ou froid se double du sentiment qu’a l’individu de ressentir ces sensations ; il y a donc un retour réflexif de l’esprit sur la sensation corporelle. Chez l’animal en revanche, le retour réflexif ne