Sucides en entreprise
Le Monde.fr | 11.07.2012 à 09h07 • Mis à jour le 11.07.2012 à 16h33
Par Gérald Bronner, professeur de sociologie à l'Université de Strasbourg.
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L'actualité a remis sur le devant de la scène un fait qui a beaucoup été commenté à la fin des années 2000 : la "vague" de suicides chez France Télécom. L'ex-PDG, Didier Lombard, qui a lancé, en 2005, le plan Next, prévoyant 22 000 départs de l'entreprise avant 2008 vient, en effet, d'être mis en examen pour harcèlement moral. Il ne fait pas de doute que certaines des techniques de management utilisées à France Télécom ont été odieuses. Il ne fait pas de doute non plus que certains des suicides dont on parle ont été, au moins en partie, la conséquence d'un climat professionnel déplorable. On peut s'interroger, en revanche, sur ce qu'on a exhibé comme un fait social indiscutable : l'épidémie de suicides qui aurait frappé cette entreprise française.
En effet, 89 % des analyses publiées alors, ont considéré qu'il existait une "vague de suicides" chez France Télécom, c'est-à-dire, un taux de suicides significativement supérieur, d'un point de vue statistique, à ce que l'on aurait dû attendre. Or, il s'agit probablement d'un mythe médiatique. En effet, ni le nombre de ces suicides, ni la façon dont ils se sont déployés dans le temps, ne justifiait qu'on emploie le terme de vague ou d'épidémie. Tous ceux qui ont voulu contester ce fait, comme le statisticien Padieu ou le sociologue Vatin, se sont vus opposer des arguments qui tenaient en partie de l'intimidation morale (il était odieux de contester la réalité d'un fait si révoltant). Or, beaucoup de données fragilisent la théorie d'un management "meurtrier en série". Les limites de cette tribune ne nous permettent d'en exposer qu'une.
Rappelons nous que le nombre de suicides dans la période modale, allant de