Suffrage universel
En démocratie, le vote est devenu un droit librement exercé mais reste formellement un « devoir » : pour lutter contre l'abstentionnisme, le vote est parfois obligatoire (en Belgique depuis 1893, en Australie depuis 1924 jusqu'à récemment, exemples suivis par le Luxembourg, le Danemark, la Grèce, la Turquie, le Brésil et par quelques cantons suisses). Si le manquement est assorti de sanctions administratives et pécuniaires, comme c'est le cas en Belgique, les électeurs hésitent alors à « aller à la pêche ». Les abstentionnistes – volontaires ou mal intégrés socialement – oublient ou ignorent que le droit de suffrage a été conquis de haute lutte. Les nombreuses discriminations réservant le droit de vote à une minorité ont pour l'essentiel disparu entre la fin du xixe siècle et le milieu du xxe siècle.
La principale expression de cette exclusion du plus grand nombre de la vie politique a été le suffrage censitaire, qui, au xixe siècle, n'autorisait à voter que les personnes payant un certain montant de contribution directe, appelé cens électoral. C'est ainsi que la Grande-Bretagne, à la veille du Reform Act de 1832 qui élargit une première fois le cens, comptait 800 000 électeurs pour une population de 30 millions d'habitants. Mais une autre forme de cens, plus subtile, n'a disparu que récemment. Il s'agit du suffrage capacitaire, qui reposait sur une sélection en apparence scolaire (savoir lire et écrire). Ainsi, dans la plupart des États du sud des États-Unis, jusqu'en 1964, les Noirs devaient prouver l'ancienneté de leur appartenance à la nation américaine et aussi pouvoir commenter la Constitution de 1787. En Italie, les analphabètes âgés de plus de trente ans ne votent que depuis 1912. Enfin, indépendamment des principes de droit auxquels s'attachent les juristes, certains sociologues dans la mouvance de Pierre Bourdieu s'inquiètent aujourd'hui d'un « cens caché », leurs études des pratiques sociales mettant en