« Que philosopher, c’est apprendre à mourir » Ils vont, ils viennent, ils trottent, ils dansent, de mort nulles nouvelles. Tout cela est beau : mais aussi quand elle arrive, ou à eux ou à leurs femmes, enfants et amis, les surprenant en dessoude et au découvert, quels tourments, quels cris, quelle rage et quel désespoir les accable ? Vîtes vous jamais rien si rabaissé, si changé, si confus ? Il y faut pourvoir de meilleure heure : Et cette nonchalance bestiale, quand elle pourrait loger en la tête d'un homme d'entendement (ce que je trouve entièrement impossible) nous vend trop cher ses denrées. Si c'était ennemi qui se pût éviter, je conseillerais d'emprunter les armes de la couardise : mais puis qu'il ne se peut ; puis qu'il vous attrape fuyant et poltron aussi bien qu'honnête homme […],et que nulle trempe de cuirasse vous couvre […] apprenons à le soutenir de pied ferme, et à le combattre : Et pour commencer à lui ôter son plus grand avantage contre nous, prenons voie toute contraire à la commune. Ôtons- lui l'étrangeté, pratiquons le, accoutumons- le, n'ayons rien si souvent en la tête que la mort : à tous instants représentons- la à notre imagination et en tous visages. Au broncher d'un cheval, à la chute d'une tuile, à la moindre piqûre d'épingle, remâchons soudain : « Et bien quand ce serait la mort même ? » et là dessus, raidissons- nous, et efforçons-nous. Parmi les fêtes et la joie, ayons toujours ce refrain de la souvenance de notre condition, et ne nous laissons pas si fort emporter au plaisir, que par fois il ne nous repasse en la mémoire, en combien de sortes cette nôtre allégresse est en butte à la mort, et de combien de princes elle la menace. Ainsi faisaient les Egyptiens, qui au milieu de leurs festins et parmi leur meilleure chère, faisaient apporter l'Anatomie sèche d'un homme, pour servir d'avertissement aux conviés.
Omnem crede diem tibi diluxisse supremum,
Grata superveniet, quæ non sperabitur hora.
Il est incertain où la mort nous