Introduction [rédigée]On trouve, dès la plus haute antiquité, des descriptions de lieux idylliques qui renvoient à une époque où l'homme vivait en harmonie avec les dieux et la nature (le poète grec Hésiode avec le mythe de l'âge d'or, la Bible avec le jardin d'Éden). L'Histoire véritable (en fait un tissu d'affabulations des plus fantaisistes) de Lucien (IIe siècle) semble marquer l'inflexion de ces descriptions poético-religieuses vers des récits à portée satiriquer. Les humanistes y trouvent un support idéal à la réflexion morale et politique qu'ils mènent. Thomas More, avec son île d'Utopie, inaugure cette tradition littéraire européenne – qui va durer jusqu'au XXe siècle – de description de mondes dont la perfection (ou l'imperfection) sert de contrepoint critique ou prémonitoire à la société contemporaine de ces œuvres. Comment ces évocations, pourtant marquées par l'éloignement par rapport à notre monde (dans l'espace, le temps ou le contexte social, politique…), permettent-elles néanmoins de porter une réflexion critique sur la réalité qui nous entoure ? Essentiellement en articulant les deux principes qui régissent les apologues : plaire par les séductions du récit, pour mieux instruire et encourager la réflexion personnelle.I. Les utopies : des mondes très éloignés du nôtre pour nous dépayser
Utopie : étymologiquement : absence de lieu ou lieu qui n'existe pas.1. Les modalités du dépaysementDépaysement géographique (récits de voyage dans des pays exotiques : Candide parcourt le monde, de l'Europe vers le cœur de l'Amérique du Sud, puis revient en Europe et s'arrête enfin en Turquie ; Supplément au Voyage de Bougainville).Dépaysement temporel dans un passé mythique (textes de Fénelon et de Montesquieu) ou dans un avenir inquiétant (Le Meilleurdes Mondes, 1984, Fahrenheit 451).Dépaysement vers des lieux improbables : création de systèmes utopiques (de l'Utopie de More à L'Île des esclaves de Marivaux. Dépaysement vers des lieux improbables : création de