Sujet d'invention : dernière page l'etranger
Me voici dans ma cellule. Enfin seul. Si j’étais croyant, je dirais merci mon Dieu. Mais non. Et puis me mettre à croire maintenant, comme ça, d’un coup, comme eux, non. Merci bien ! Et ce prêtre qui pleurait de voir que je ne croyais pas. Je n’étais pourtant pas censé être une référence, moi, monsieur. Je devrais peut-être dire « mon Père ». Mais sincèrement, quelle importance ? Il ne devrait pas être prêtre, il est comme moi, après tout. Oui, tout comme moi. Mais pourquoi en pleurer ? Je ne pleure pas, moi.
Enfin… Tout cela n’est guère intéressant. Comme tout depuis le départ. Même la mort de maman : tout le monde meurt, pourquoi pas elle ? Je ne vois pas pourquoi on en a fait toute une histoire. Ç’aurait pu être moi, ç’aurait pu être n’importe qui. Ç’a été elle, c’est tout. J’étais en noir, bien sûr. Je ne parlais pas beaucoup : je ne parle jamais beaucoup. Mais ça ne veut rien dire. Je me demande bien ce qu’ils voulaient : que je m’effondre ? que je pleure ? Je me demande à quoi ça leur aurait servi. Peut-être que ça les aurait rassurés : des larmes, ça fait bonne impression. Ça fait « la vie continue malgré tout ». Ça fait « on est là pour pleurer, et après on oublie ». Comment ils disent ça ? « Prendre sur soi ». Mais c’est de l’oubli, c’est tout.
Et puis quoi ? Ils auraient peut-être voulu que je pleure aussi sur l’Arabe. Mais c’était comme pour maman : c’était son tour, comme ce sera le mien demain. Et puis, c’était lui et les deux autres qui cherchaient la bagarre. Je ne pouvais pas laisser Raymond seul contre eux trois. Et après… Il faisait chaud.