super heros
Si l'on fête cette année les 70 ans de l'apparition de Superman, premier super-héros, dans les illustrés américains, c'est pourtant Batman, avec son troublant 'Dark Knight' au cinéma, qui aura marqué l'année 2008. Un paradoxe plus fondamental qu'il n'y paraît, révélateur de l'étroite corrélation qui lie l'évolution des Etats-Unis et celle de ses héros de papier.
Interpréter les aventures d'un type en costume moulant à la lumière de la géopolitique s'avère souvent artificiel. Pourtant, dès sa création en 1934 dans la tête du scénariste Jerry Siegel et du dessinateur Joe Shuster, Superman porte en lui un emblème politique : celui d'un peuple juif opprimé qui voit le nazisme submerger l'Europe. Si Will Eisner y voit une résurgence culturelle plutôt que la réelle expression d'une spécificité juive (1) -, cette inspiration, plus ou moins consciente, est bien réelle. Le caractère de Superman, savant mélange de Zorro (pour la double identité), des héros mythologiques (Hercule) et des hommes forts du cirque capables de tordre des barres d'acier ou de briser des chaînes (et accessoirement vêtus de tenues moulantes et colorées…), possède une forte dimension biblique. Comme Moïse, il est caché dans un berceau pour survivre, et dérive dans l'espace avant d'être adopté par un peuple étranger. Et tel le légendaire Golem, créé au XVIe siècle par le rabbin Loew pour défendre les juifs de Prague, Superman use de ses capacités hors normes pour défendre son peuple. Son nom kryptonien, Kal-El, signifie en hébreu "semblable à Dieu". "Superman, tu ne crois pas qu'il est juif ? Débarquer du vieux pays, changer de nom comme ça… Clark Kent, seul un juif se choisirait un nom pareil !" (2) Résurgence d'un lointain fantasme juif, Superman est avant tout l'incarnation d'un monde meilleur, au sortir de la crise économique et au coeur de cette période trouble. Il est alors très souvent surnommé "l'Homme du futur", laissant augurer un avenir merveilleux dans lequel