Sur une barricade, au milieu des pavés
Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d'un sang coupable et d'un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes,
- Es-tu de ceux-là, toi ! - L'enfant dit : Nous en sommes.
•• - C'est bon, dit l'officier, on va te fusiller.
Attends ton tour. - L'enfant voit des éclairs briller, Et tous ses compagnons tomber sous la muraille. Il dit à l'officier; Permettez-vous que j'aille Rapporter cette montre à ma mère chez nous ? ••'- - Tu veux t'enfuir ? - Je vais revenir. - Ces voyous Ont peur ! Où loges-tu ? - Là, près de la fontaine. Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
- Va-t'en, drôle ! - L'enfant s'en va. - Piège grossier !
Et les soldats riaient avec leur officier,
•-• Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle Mais le rire cessa, car soudain l'enfant pâle, Brusquement reparu, fier comme Viala,-Vint s'adosser au mur et leur dit: Me voilà.
La mort stupide eut honte, et l'officier fit grâce.
-•••- Enfant, je ne sais point, dans l'ouragan qui passse Et confond tout, le bien, le mal, héros, bandits, Ce qui dans ce combat te poussait, mais je dis Que ton âme ignorante est une âme sublime. Bon et brave, tu fais, dans le fond de l'abîme,
.:,'> Deux pas, l'un vers ta mère et l'autre vers la mort ; L'enfant a la candeur et l'homme a le remord, Et tu ne réponds point de ce qu'on te fit faire ; Mais l'enfant est superbe et vaillant qui préfère A la fuite, à la vie, à l'aube, aux jeux permis,
•'••*- Au printemps, le mur sombre où sont morts ses amis. La gloire au front te baise, ô toi si jeune encore !
Victor Hugo, 1fannée terrible,