Ségrégation
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Disserter sur Elliott Erwitt est une aventure antédiluvienne. Elle renvoie à un temps où la photographie, pratiquée avec humilité et compassion, était un peu moins nombriliste. L’époque révolue de la naissante Magnum et de ses camarades passionnés. Au milieu des autres, lui, le fils d’immigré russe, farfelu, un peu gamin, amoureux du regard, a très vite compris que son art doit demeurer un hobby.
Né à Paris en 1928, Elliott Erwitt débarque à New York à dix ans, après avoir passé son enfance en Italie. « Elio » débute la photo à quinze ans, officiellement pour « gagner sa vie. » Son premier vrai appareil, « son bloc-notes de photographe », est un Rolleiflex. Ce qui caractérise aussi bien l’homme que le photographe est surtout l’humour. Le talent est là. L’œil est espiègle. Ses photos pratiquent déjà la dérision, comme aucunes autres. Il s’amuse du monde, dédramatise ce qui doit choquer, chasse le cocasse, photographie la rue comme un cartoon américain.
L’humour
Il ne cesse d’observer les autres, les choses, les gens et leurs comportements. Epier est sa distraction favorite. Porté par une petite lanière, un appareil traine toujours sous son bras. L’objet le quitte pourtant de temps à autre. « Quand je vais aux toilettes je ne porte pas d’appareil photo. Mon esprit se consacre à d’autres choses », aime-t-il à plaisanter. Chez lui, un écriteau rappelle les formalités d’usage: « Please aim directly. »
Grand amateur de plaisanteries et les réponses saugrenues, il l’a toujours été. Jimmy Fox, ancien rédacteur en chef de Magnum dans les années 60, pourrait passer des heures à conter les frasques de celui qu’il a dirigé. A commencer par les soirées mondaines dans lesquelles le photographe aime se déguiser en père noël pour le réveillon de l’agence, ou les stratagèmes qu’il utilise pour détendre l’atmosphère. « Lorsque, sur une séance, les gens étaient trop tendus,