Tableau parisien
Le soleil
Le long du vieux faubourg, où pendent aux masuresLes persiennes, abri des secrètes luxures,Quand le soleil cruel frappe à traits redoublésSur la ville et les champs, sur les toits et les blés,Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.
Ce père nourricier, ennemi des chloroses,Éveille dans les champs les vers comme les roses;Il fait s'évaporer les soucis vers le ciel,Et remplit les cerveaux et les ruches de miel.C'est lui qui rajeunit les porteurs de béquillesEt les rend gais et doux comme des jeunes filles,Et commande aux moissons de croître et de mûrirDans le coeur immortel qui toujours veut fleurir!
Quand, ainsi qu'un poëte, il descend dans les villes,Il ennoblit le sort des choses les plus viles,Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
À une mendiante rousse Blanche fille aux cheveux roux,Dont la robe par ses trousLaisse voir la pauvretéEt la beauté, Pour moi, poëte chétif,Ton jeune corps maladif,Plein de taches de rousseur,A sa douceur. Tu portes plus galammentQu'une reine de romanSes cothurnes de veloursTes sabots lourds, Au lieu d'un haillon trop court,Qu'un superbe habit de courTraîne à plis bruyants et longsSur tes talons; En place de bas troués,Que pour les yeux des rouésSur ta jambe un poignard d'orReluise encor; Que des noeuds mal attachésDévoilent pour nos péchésTes deux beaux seins, radieuxComme des yeux; Que pour te déshabillerTes bras se fassent prierEt chassent à coups mutinsLes doigts lutins, Perles de la plus belle eau,Sonnets de maître BelleauPar tes galants mis aux fers | Sans cesse offerts, Valetaille de rimeursTe dédiant leurs primeursEt contemplant ton soulierSous l'escalier, Maint page épris du hasard,Maint seigneur et maint RonsardÉpieraient pour le déduitTon frais réduit! Tu compterais dans tes