Tamayre
Problématique : Existe-il une hiérarchie des sujets poétiques ?
I Certes, de nombreux poètes modernes et contemporains puisent leur inspiration dans le banal voire le laid, ce que le poète français contemporain Yves Bonnefoy nomme «les réalités rugueuses ».
1. En simplifiant abusivement, on peut distinguer schématiquement deux sources majeures d'inspiration poétique. Aux « grands sujets », traités dans la poésie lyrique, épique et satirique, c'està- dire les faits « classés comme sublimes» selon la formule d'Apollinaire, s'oppose le parti pris des choses ordinaires ou des faits quotidiens voire des sujets considérés comme laids.
2. Or, depuis le xrxe siècle, l'écriture du quotidien, de l'ordinaire occupe progressivement une place grandissante dans l'écriture poétique. Ainsi, Victor Hugo écrit, dans son recueil Les
Contemplations, le poème «J'aime l'araignée» livrant ainsi une ode à cet insecte que beaucoup considèrent comme repoussant voire terrifiant. De même, Baudelaire - dans ses Petits poèmes en prose - ou les poètes symbolistes accordent une grande place au quotidien dans leurs textes. De même, au XXe siècle, Apollinaire propose avec «Zone », poème liminaire d'Alcools, un manifeste en faveur du quotidien: « J'aime la grâce de cette rue industrielle ». Les surréalistes suivent cette voie et évoquent le caractère merveilleux de certains objets dénichés au « marché aux Puces» tel
Breton dans L'Amour fou ou Francis Ponge avec Le Parti pris des choses et des textes tels « le cageot », « l'huître », « la cigarette ».
3. Cependant, l'inspir~tion de la trivialité et de la laideur recouvre des pratiques et des finalités différentes. Un poème tel «J'aime l'araignée» de Victor Hugo, tout comme « le cageot» de
Francis Ponge ou « Le peigne» de Germain Nouveau participent de l'éloge paradoxal. D'autres poètes comme Jean Cocteau attendent de la poésie