Chapitre III, Le comique de caractère

Quel est l’objet de l'art ? Ce long développement sur l’art est nécessaire, selon Bergson, pour comprendre la place de la comédie (« aux confins de l’art et de la vie ») par rapport aux autres arts. Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l'art serait inutileL’art a donc comme première fonction de révéler ce que nous ne savons plus voir, ou plutôt que nous serions tous artistesC’est à dire que, comme les artistes, nous aurions alors l’intuition de ce qu’il y a d’absolument original a l’extérieur de nous mais aussi en nous., car notre âme vibrerait alors continuellement à l'unisson de la nature. Nos yeux, aidés de notre mémoire, découperaient dans l'espace et fixeraient dans le temps des tableaux inimitables. Notre regard saisirait au passage, sculptés dans le marbre vivant du corps humainIci Bergson insiste sur le caractère absolument singulier et irréductible de chaque homme, qui, si on sait le percevoir, est tout à fait comparable à une œuvre d’art par son unicité., des fragments de statue aussi beaux que ceux de la statuaire antique. Nous entendrions chanter au fond de nos âmes, comme une musique quelquefois gaie, plus souvent plaintive, toujours originale, la mélodie ininterrompue de notre vie intérieureNoter ici l’allusion qui est faite par Bergson au concept fondamental de durée, qui renvoie à la manière subjective dont nous vivons le temps, et qui se définit comme qualité pure.. Tout cela est autour de nous, tout cela est en nous, et pourtant rien de tout cela n'est perçu par nous distinctement. Entre la nature et nous, que dis-je ? Entre nous et notre propre conscience, un voile s'interposeCe voile est tissé essentiellement par le langage et les conventions sociales mais aussi par la nécessaire orientation utilitariste de nos vies qui renvoie à la satisfaction des besoins, voile