Test
Troupe aux arts de Pallas dès l'enfance adonnée,
Et de qui le travail fit entrer en courroux
Bacchus, à juste droit de ses honneurs jaloux.
Tout dieu veut aux humains se faire reconnaître :
On ne voit point les champs répondre aux soins du maître,
Si dans les jours sacrés, autour de ses guérets,
Il ne marche en triomphe à l'honneur de Cérès.
La Grèce était en jeux pour le fils de Sémèle;
Seules on vit trois soeurs condamner ce saint zèle.
Alcithoé, l'aînée, ayant pris ses fuseaux,
Dit aux autres : «Quoi donc ! toujours les dieux nouveaux !
L'Olympe ne peut plus contenir tant de têtes,
Ni l'an fournir de jours assez pour tant de fêtes.
Je ne dis rien des voeux dus aux travaux divers
De ce dieu qui purgea de monstres l'univers :
Mais à quoi sert Bacchus, qu'à causer des querelles ?
Affaiblir les plus sains ? enlaidir les plus belles ?
Souvent mener au Styx par de tristes chemins ?
Et nous irions chômer la peste des humains
Pour moi, j'ai résolu de poursuivre ma tâche.
Se donne qui voudra ce jour-ci du relâche :
Ces mains n'en prendront point. Je suis encor d'avis
Que nous rendions le temps moins long par des récits :
Toutes trois, tour à tour, racontons quelque histoire.
Je pourrais retrouver sans peine en ma mémoire
Du monarque des dieux les divers changements ;
Mais, comme chacun sait tous ces événements,
Disons ce que l'amour inspire à nos pareilles,
Non toutefois qu'il faille, en contant ses merveilles,
Accoutumer nos coeurs à goûter son poison ;
Car, ainsi que Bacchus, il trouble la raison :
Récitons-nous les maux que ses biens nous attirent. »
Alcithoé se tut, et ses soeurs applaudirent.
Après quelques moments, haussant un peu la voix :
«Dans Thèbes, reprit-elle, on conte qu'autrefois
Deux jeunes coeurs s'aimaient d'une égale tendresse :
Pirame, c'est l'amant, eut Thisbé pour maîtresse.
Jamais couple ne fut si bien assorti qu'eux :
L'un bien fait, l'autre belle, agréables tous