Texte fontenelle, histoire des oracles
Objets d’étude : Convaincre, persuader et délibérer - Un mouvement littéraire et culturel.
Séquence n° 1 : Lectures analytiques
Texte A : Bernard Le Bovier de Fontenelle, Histoire des oracles (1686)
Bernard de Fontenelle s’interroge sur tout ce qui est à l’origine des erreurs de jugement: croyances, superstitions, opinions hâtives et non fondées. Il en dénonce, comme dans cet extrait, les conséquences souvent ridicules.
Il serait difficile de rendre raison des histoires et des oracles que nous avons rapportés, sans avoir recours aux démons, mais aussi tout cela est-il bien vrai? Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point.
Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d’Allemagne, que je ne puis m’empêcher d’en parler ici.
En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une d’or, à la place d’une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’université de Helmstad, écrivit en 1595 l’histoire de cette dent, et prétendit qu’elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu’elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens, ni aux Turcs. En la même année, afin que cette dent d’or ne manquât pas d’historiens, Rullandus en écrit encore l’histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d’or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme nommé Libavius ramasse tout ce qui avait été dit de la dent, et y ajoute son