Theorie sur le Fragment par une Critique d'Art
"Les allégories sont au domaine de la pensée ce que les ruines sont au domaine des choses"
Walter Benjamin
"J'ai toujours été intéressé par les fragments." C'est le commencement d'une déclaration faite par l'un des plus "photogéniques" pop-artist, le scandinave et américain a la fois - Claes Oldenburg. Il continue : "Je crois que l'une des grandes différences entre la vision d'un artiste et la vision d'une personne quelconque est ce fait-ci : que les artistes voient en fragments. Ils sont tentés d'etre tres partiaux dans leur maniere de voir. Moi, marchand dans la rue, je vois seulement une partie des choses et je veux rester fidele a cette vision" (s. n.).
Un peu d'histoire et de généalogie ne saurait nuire a notre entreprise : les Allemands avaient tres tôt compris la nature philosophique du fragment parce qu'ils s'expriment dans une culture préoccupée par l'Idée, par l'Unité et par l'Idée de l'Unité originaire. L'esthétique du fragment a été préfigurée dans le corpus théorique du romantisme allemand. Une étude géniale écrite par Friedrich Schlegel a l'âge de 24 ans seulement, étude sur la poésie grecque, contient cette description de la modernité romantique : "Si on regarde attentivement l'absence d'une finalité et l'absence de soumission envers la loi de la poésie moderne prise comme ensemble et l'excellente qualité de ses parties, alors la totalité semble comme une marée de force en combat, dans laquelle les morceaux de beauté désintégrés, les fragments d'un art brisé s'agitent dans un mélange obscur." Cette observation est plus que bicentenaire ! Mais dans les beaux-arts, le classicisme forgé par Winckelmann a imposé directement les fragments de statuaire antique comme modele de l'art en soi. La vision sur l'Antiquité et le nouveau gout des sculpteurs se cristallisent apres l'opuscule que Winckelmann publié a Dresde en 1755 : Réflexions sur l'imitation des ouvres grecques en peinture et en sculpture.