Thomas d'aquin:le plaisir et la sexualité
Dans son best-seller, Des eunuques pour le royaume des cieux1, Uta
Ranke-Heinemann, une théologienne allemande un tantinet acerbe, présente
Thomas d’Aquin comme un ennemi du plaisir et de la sexualité : « Saint
Thomas se sent soutenu par Aristote […] dans son hostilité au plaisir et à la sexualité. […] Nous ne pouvons plus aujourd’hui imaginer le fanatisme avec lequel saint Thomas (et toute la théologie de tradition augustinienne à sa suite) refuse l’acte sexuel sous prétexte qu’il “ obscurcit ” et “ dissout ” l’esprit » (p. 217). Après avoir inventorié l’héritage augustinien, nous serons en mesure de voir – même si ce n’est pas le but de ce travail – si
Thomas d’Aquin a été contaminé par cet héritage. Il cite beaucoup Augustin, qui était en son temps le docteur officiel de l’Église, mais, fait à noter, il n’a commenté aucune des œuvres de ce docteur et père de l’Église qu’il disait imbu des doctrines des platoniciens, doctrinis Platonicorum imbutus fuerat2.
L’héritage de saint Augustin (354 – 430)
Dans un livre intitulé L’homme d’espérance3, le dominicain québécois
Vincent Harvey, déplore l’influence d’Augustin. La page 229 de ce livre, publié en 1973, mérite d’être rapportée en entier.
Le christianisme que nous avons vécu au Québec nous a transmis une conception assez pessimiste du corps, fortement teintée de dualisme. Les personnes de quarante ans et plus se rappellent les sermons dominicaux d’autrefois, l’enseignement religieux donné à l’école, au couvent ou au collège, les campagnes de modestie, de tempérance qui manifestaient souvent une crainte maladive à l’endroit du corps, considéré comme l’ennemi de l’âme. On se préoccupait précisément de “ sauver les âmes ”. Une paroisse comptait “ X âmes ”. […] La sensualité était, évidemment, le lieu du péché le plus commun et le plus à craindre, puisqu’en ce domaine tout était matière à péché mortel (donc passible de la peine éternelle) : actes,