Tite et bérénice de corneille
COMÉDIE HEROÏQUE
1670
Pierre Corneille
3 janvier 1671
Représenté pour la première fois le 28 novembre 1670 au Théâtre du Palais-Royal
ACTEURS
TITE, Empereur de Rome et amant de Bérénice.
DOMITIAN, frère de Tite et anamant de Domitie.
BÉRÉNICE, reine d'une partie de la Judée.
DOMITIE, fille de Corbulon.
PLAUTINE, confidente de Domitie.
FLAVIAN, confident de Tite.
ALBIN, confident de Domitian.
PHILON, Ministre d'Etat, confident de Bérénice.
La scène est à Rome dans le palais impérial.
ACTE I.
SCÈNE PREMIÈRE.
Domitie, Plautine.
DOMITIE.
Laisse-moi mon chagrin, tout injuste qu'il est ;
Je le chasse, il revient, je l'étouffe, il renaît,
Et plus nous approchons de ce grand hyménée,
Plus en dépit de moi je m'en trouve gênée,
Il fait toute ma gloire, il fait tous mes désirs,
Ne devrait-il pas faire aussi tous mes plaisirs ?
Depuis plus de six mois la pompe s'en apprête,
Rome s'en fait d'avance en l'esprit une fête,
Et tandis qu'à l'envi tout l'Empire l'attend,
Mon coeur dans tout l'Empire est le seul mécontent.
PLAUTINE.
Que trouvez-vous, Madame, ou d'amer, ou de rude,
À voir qu'un tel bonheur n'ait plus d'incertitude,
Et quand dans quatre jours vous devez y monter,
Quel importun chagrin pouvez-vous écouter ?
Si vous n'en êtes pas tout à fait la maîtresse,
Du moins à l'Empereur cachez cette tristesse,
Le dangereux soupçon de n'être pas aimé
Peut le rendre à l'objet dont il fut trop charmé :
Avant qu'il vous aimât il aimait Bérénice,
Et s'il n'en put alors faire une impératrice,
À présent il est maître, et son père au tombeau
Ne peut plus le forcer d'éteindre un feu si beau.
DOMITIE.
C'est là ce qui me gêne, et l'image importune
Qui trouble les douceurs de toute ma fortune :
J'ambitionne et crains l'hymen d'un empereur
Dont j'ai lieu de douter si j'aurai tout le coeur.
Ce pompeux appareil où sans cesse il ajoute,
Recule chaque jour un noeud qui le dégoûte,
Il souffre chaque jour que le gouvernement
Vole