Fin 68, Mao décide de fermer les universités et d'envoyer les jeunes lycéens à la campagne pour y être « rééduqués » par les paysans pauvres. C'est ainsi que le narrateur et son ami Luo, 18 ans, fils tous deux de médecins « des puantes autorités savantes » aux yeux du régime, se retrouvent dans un village montagnard proche du Népal. Les corvées qu'ils doivent faire sont terriblement pénibles, leurs conditions de vie des plus difficiles dans cette communauté d'une très grande pauvreté. Le violon du narrateur (sauvé du feu en interprétant une sonate du compositeur interdit qu'il rebaptisera « Mozart pense au président Mao »!), les talents de conteur de Luo et la fascination pour leur réveil-matin (!) adoucissent un peu leur sort en attirant la clémence du chef du village. Ils font la connaissance de la petite tailleuse, la fille de l'unique tailleur de la région, personnage qui jouit d'un certain prestige dans la montagne. Les deux jeunes hommes sont séduits immédiatement par la petite tailleuse. Dans un village voisin travaille un de leurs compagnons de la ville, « Le Binoclard ». Le narrateur et Luo découvrent par hasard que celui-ci cache une valise remplie de livres occidentaux, livres interdits dans un monde où seuls sont admis le Petit livre rouge et les manuels scolaires communistes. En échange d'un service au « Binoclard », les deux amis réussissent à lui emprunter un de ses livres : il s'agit de Ursule Mirouët de Balzac.
« Imaginez un jeune puceau de dix-neuf ans, qui somnolait encore dans les limbes de l'adolescence, et n'avait jamais connu que les bla-bla révolutionnaires sur le patriotisme, le communisme, l'idéologie et la propagande. Brusquement, comme un intrus, ce petit livre me parlait de l'éveil du désir, des élans, des pulsions, de l'amour, de toutes ces choses sur lesquelles le monde était, pour moi, jusqu'alors demeuré muet. » (p. 72). Luo, qui a conquis le cœur de la petite tailleuse, lui fait partager son enthousiasme. Comment faire pour