Travailsantésuicide
Dès lors que l'on aborde la question du risque professionnel, on envisage généralement celui couru par les salariés « en bas de l'échelle », ceux sur qui s’accumulent les dispositifs de domination. On pense aux salariés précarisés parce que leur emploi est menacé par la recomposition de la production, l’automatisation, le changement technologique ou la délocalisation ou que les forme de gestion de la main d’œuvre se transforment par recours à du temps partiel, des CDD, de l’intérim, de la soustraitance en cascade, etc (Dejours 1998; Doniol-Shaw et al. 2001; Huez 1994). L’ampleur de ces dispositifs suffit, en général, pour expliquer le constat fait sur les formes actuelles d’atteinte à la santé et de dégradations des situations de travail tant pour les salariés que du point de vue de la sûreté des installations (Levaray 2002). Pourtant, du fait même de leur massivité, ces dispositifs relèguent en arrière fond les processus par lesquels les salariés acceptent une prise de risque susceptible de porter atteinte à leur intégrité physique et morale. D’une certaine manière, en focalisant l’attention essentiellement sur ces dispositifs, l’analyse met, en quelque sorte, hors champ les salariés et leur rôle dans la mise en forme de ces situations. La dissymétrie des rapports de force est telle qu’elle empêche probablement de pouvoir réfléchir aux processus par lesquels des salariés intériorisent ces situations de risque comme étant inévitables et refoulent alors l’idée même de danger afin de tenter de préserver leur capacité à travailler dans ces conditions (Dejours 1993). La méconnaissance de ces mécanismes, obère fortement l’efficacité de toute intervention sur les conditions de travail dans les situations où le danger fait l’objet d’un déni de réalité. Cette méconnaissance est d’autant plus forte que le mécanisme de déni du risque est ancien et s’est, en