« Tu t’es vu quand t’ecoutes l’etat ? »
Réception des campagnes de communication gouvernementale. Appropriation et détournement linguistiques des messages
Karine BERTHELOT-GUIET Caroline OLLIVIER-YANIV
© Réseaux n° 108 – FT R&D / Hermès Science Publications – 2001
u t’es vu quand t’as bu ?, Faites de la musique, Sortez couvert, Ne fumez plus, n’enfumez plus et Gardez la France propre : telle pourrait être une définition de l’honnête homme. Telles sont en réalité quelques-unes des manifestations de la communication gouvernementale à la française depuis près d’un quart de siècle. Celle-là même qui nous a appris que l’Europe était adulte, que la retraite, c’est la vie tandis que la Sécu, ça nous regarde et qu’en abuser, ça craint, mais aussi que les Français ont des idées1... En guise de définition préalable, on peut considérer la communication gouvernementale comme un processus de diffusion de messages du pouvoir exécutif et des institutions ministérielles, par des moyens diversifiés de communication de masse, et en particulier par la télévision dont la prépondérance s’affirme au cours des années 19802. L’adresse au citoyen se trouve ainsi médiatisée sous une forme apparentée à la publicité, alors même que ce terme peut sembler impropre. Tout d’abord relativement au contexte, à l’identité de l’émetteur et à la finalité assignée au message : bien loin d’une démarche commerciale3, la communication gouvernementale représente un modèle de communication institutionnelle puisque par définition fondé sur le principe de l’intérêt général. Mais le terme de publicité apparaît encore inapproprié relativement aux usages et à l’histoire
1. Toutes les mentions en italique sont des slogans ou des citations de slogans de campagnes gouvernementales. Les institutions commanditaires sont les suivantes : ministère des Transports et Délégation à la Sécurité routière, ministère de la Culture, Comité français d’éducation pour la santé, Agence française de lutte contre le sida,