Ultima verba
ULTIMA VERBA
1 La conscience humaine est morte ; dans l’orgie, 2 Sur elle il s’accroupit ; ce cadavre lui plaît ; 3 Par moments, gai, vainqueur, la prunelle rougie, 4 Il se retourne et donne à la morte un soufflet. 5 La prostitution du juge est la ressource. 6 Les prêtres font frémir l’honnête homme éperdu ; 7 Dans le champ du potier ils déterrent la bourse ; 8 Sibour revend le Dieu que Judas a vendu.
9 Ils disent : — César règne, et le Dieu des armées 10 L’a fait son élu. Peuple, obéis, tu le dois ! — 11 Pendant qu’ils vont chantant, tenant leurs mains fermées, 12 On voit le sequin d’or qui passe entre leurs doigts.
13 Oh ! tant qu’on le verra trôner, ce gueux, ce prince, 14 Par le pape béni, monarque malandrin, 15 Dans une main le sceptre et dans l’autre la pince, 16 Charlemagne taillé par Satan dans Mandrin ;
17 Tant qu’il se vautrera, broyant dans ses mâchoires 18 Le serment, la vertu, l’honneur religieux, 19 Ivre, affreux, vomissant sa honte sur nos gloires ; 20 Tant qu’on verra cela sous le soleil des cieux ;
21 Quand même grandirait l’abjection publique 22 À ce point d’adorer l’exécrable trompeur ; 23 Quand même l’Angleterre et même l’Amérique 24 Diraient à l’exilé : — Va-t’en ! nous avons peur !
25 Quand même nous serions comme la feuille morte ; 26 Quand, pour plaire à César, on nous renierait tous ; 27 Quand le proscrit devrait s’enfuir de