Un barrage contre le pacifique
INTRODUCTION
« Un Barrage contre le Pacifique » est la première tentative autobiographique, mélange d’imagination et de souvenirs, de Marguerite Duras. Elle a tiré la matière de ce roman d’une enfance farouche - passée en Extrême-Orient et qui l’a marquée pour toujours - de ses relations complexes et complices avec sa mère.
Dans ce roman, Duras dénonce explicitement son aversion pour le colonialisme.
Le roman paraît en 1950, à un moment où la guerre d’Indochine mobilise l’opinion française. Il est vrai que les confluences entre l’actualité et l’oeuvre durassienne sont nombreuses. A travers cette épopée lamentable de la mère et de la spoliation dont elle a été victime, l’auteur s’attache à raviver et réparer, en permanence, cette injustice et ce manque originels :
"Nous sommes ensemble dans une honte de principe d’avoir à vivre la vie. C’est là que nous sommes au plus profond de notre histoire commune, celle d’être tous les trois des enfants de cette personne de bonne foi, notre mère, que la société a assassinée. Nous sommes du côté de cette société qui a réduit ma mère au désespoir... nous haïssons la vie, nous nous haïssons [1]."
« Un Barrage contre le Pacifique » est construit sur de nombreux traits circulaires qui représentent des cercles de vie et de mort : d’où le désir de s’en sortir. Le rythme du texte repose sur la succession des images, des attitudes et sur les répétitions en "refrain" de certains énoncés qui lui donnent une structure musicale. Duras, à travers la focalisation systématique sur le personnage de Suzanne, perce constamment sous le texte. Nous allons aborder notre analyse par ces cercles de vie et de mort avant d’examiner comment le désir s’arrange des contraintes et surtout les dérange, les bouscule.
Dans les années trente, un couple français d’instituteurs part pour l’Indochine française. Avec l’espoir de faire fortune, de vivre l’aventure.