Un coeur simple
" Le héros flaubertien rêve d’amour et d’action, mais de telle sorte que, constamment coincé entre l’imparfait du souvenir et le conditionnel d’un futur improbable, l’instant présent ne cesse de lui échapper. " [1]
Flaubert rédige sous le titre d’Un Cœur Simple l’histoire touchante et volontairement grise d’une ancienne servante de ses parents. Cette histoire fait partie du recueil des Trois Contes édité en 1877. Dès sa publication, il reçoit les éloges de nombreuses revues littéraires. Si l’amitié de George Sand et la mélancolie de l’âge ont parfois désarmé l’agressivité de Flaubert, il n’a pas versé pour autant dans l’épanchement pathétique : l’écriture d’un Cœur Simple est plus retenue que jamais et met en scène Félicité, l’héroïne du récit. Son incapacité à s’exprimer, qui lui interdit la formulation de ses émotions les plus fortes, lui permet d’échapper à la dénaturation du langage ; à l’aliénation dans le lieu commun. Femme à l’esprit simple et au coeur dévoué, elle continuera malgré tout et jusqu’à son dernier souffle à aimer sans réserve. Cette âme est simple, et presque sainte, parce qu’elle ne parle pas : c’est sur ce fond de pessimisme absolu, où la stupidité constitue presque une forme de salut, que se détache la destinée triste de celle dont le nom, Félicité, symbolise un mystérieux paradoxe.
Le critique Victor Brombert a affirmé que le grand accomplissement de Flaubert dans Un Cœur simple résidait dans le fait qu’il incite le lecteur à percevoir son protagoniste principal, qui est complètement inculte, selon son propre point de vue de femme " simple ". L’auteur permet donc au lecteur de découvrir le caractère de Félicité de l’extérieur et de l’intérieur : de l’extérieur, par le récit impassible et omniscient du narrateur des événements et des attitudes des autres personnages à son égard ; de l’intérieur, par les rapports du narrateur de ses pensées, actions. Au travers de l’histoire de la vie et de la mort d’une femme naïve,