Un Sac De Billes Joseph Joffo
Un sac de billes
POSTFACE DE L’AUTEUR
JC LATTÈS
© Éditions Jean-Claude Lattès, 1973.
ISBN : 978-2-253-02949-6 – 1 re publication LGF
A ma famille.
Je tiens à remercier mon ami l’écrivain
Claude Klotz, qui a bien voulu relire mon manuscrit et le corriger de sa main si sûre.
Prologue
Ce livre n’est pas l’œuvre d’un historien.
C’est au travers de mes souvenirs d’enfant de dix ans que j’ai raconté mon aventure des temps de l’occupation.
Trente années ont passé. La mémoire comme l’oubli peuvent métamorphoser d’infimes détails. Mais l’essentiel est là, dans son authenticité, sa tendresse, sa drôlerie et l’angoisse vécue.
Afin de ne pas heurter des susceptibilités, de nombreux noms de personnes qui traversent ce récit ont été transformés. Récit qui raconte l’histoire de deux petits enfants dans un univers de cruauté, d’absurdité et aussi de secours parfois les plus inattendus.
I
La bille roule entre mes doigts au fond de ma poche.
C’est celle que je préfère, je la garde toujours celle-là.
Le plus marrant c’est que c’est la plus moche de toutes : rien à voir avec les agates ou les grosses plombées que j’admire dans la devanture de la boutique du père Ruben au coin de la rue Ramey, c’est une bille en terre et le vernis est parti par morceaux, cela fait des aspérités sur la surface, des dessins, on dirait le planisphère de la classe en réduction.
Je l’aime bien, il est bon d’avoir la Terre dans sa poche, les montagnes, les mers, tout ça bien enfoui.
Je suis un géant et j’ai sur moi toutes les planètes.
— Alors, merde, tu te décides ?
Maurice attend, assis par terre sur le trottoir juste devant la charcuterie. Ses chaussettes tirebouchonnent toujours, papa l’appelle l’accordéoniste.
Entre ses jambes il y a le petit tas de quatre billes : une au-dessus des trois autres groupées en triangle.
Sur le pas de la porte, Mémé Epstein nous regarde.
C’est une vieille Bulgare toute ratatinée, ridée comme il n’est pas permis. Elle a bizarrement gardé le teint