INTRODUCTION Ce poème est extrait des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, recueil publié en 1861. Recueil censuré pour son inadéquation aux bonnes règles de la morale et de la pudeur, il ose s’attaquer à des motifs peu conventionnels, comme celui de cette « charogne ». XXIXe poème de la première partie du recueil, intitulée « Spleen et Idéal », il reflète bien cette double tendance du poète à se diriger à la fois vers la fascination mélancolique pour le mal et le laid (le « spleen » ) et à tenter de s’élever plus haut vers une Beauté transcendante, « idéale ». Il décrit un objet horrible, le plus horrible qu’on puisse imaginer peut-être, et pourtant ce poème est un poème d’amour puisqu’il s’adresse à la femme qu’il aime. Comment expliquer cette étrange manière de s’adresser à l’être aimé? Il convient d’abord de remarquer l’allusion évidente au « memento mori », sujet traditionnel des beaux-arts, de la peinture à la musique en passant par la littérature, depuis l’antiquité, et de voir comment Baudelaire exacerbe la violence du spectacle de la charogne. Il faudra ensuite s’interroger sur « la leçon » que Baudelaire cherche à nous en faire tirer : on sait que le memento mori n’a pas la même signification pour un romain de l’antiquité (il est alors proche du « carpe diem » ) que pour un chrétien quelques siècles plus tard (il signifie que l’important n’est pas ce qui se passe en ce bas-monde). On verra comment Baudelaire nous propose une vision ni épicurienne, ni chrétienne, mais ironique et cynique de ce thème du memento mori. Enfin, on s’interrogera sur le fait que Baudelaire mêle ce thème à celui de l’amour. N’y a-t-il là qu’un cynisme gratuit de plus, ou est-ce un signe que l’amour et la poésie sont capables de sublimer ce qui semblait être le comble de la laideur?
I- Une « vanité » violente. Ce poème rejoint la tradition du « memento mori », de la vanité. (memento mori = Rappelez-vous que vous allez mourir). Structure habituelle :