Nietzsche a présenté une théorie tout à fait originale de la vérité. Il pose la question suivante : Pourquoi désirons-nous la vérité plutôt que l’erreur ? Autrement dit, pourquoi la vérité fait-elle l’objet de notre préférence et, plus encore, de notre vénération ? Cette question permet à Nietzsche d’affirmer que la vérité est avant tout une valeur. En ce sens, elle est directement dépendante des nécessités vitales. Si la réalité sensible a le plus souvent été considérée en philosophie comme le domaine de l’illusion, de l’apparence, de l’erreur, c’est parce que cette réalité était fuyante, mouvante, changeante, qu’elle dépossède l’homme de sa maîtrise sur lui-même et son environnement. Au contraire, les catégories de l’être, de l’identité, de la substance, du durable, permettent à l’homme de reconnaître parmi le divers (le chaos) des sensations des points d’appui autour desquels orienter son action. La connaissance consiste ainsi à ramener le nouveau, le différent à du déjà connu. Mais ceci dévoile que la recherche de la vérité est en réalité une entreprise de falsification du réel consistant à gommer les différences entre les choses, à nier leurs perpétuelles métamorphoses. Ce que l’on appelle vérité n’est donc rien d’autre que l’erreur utile au développement de la vie. De l’utilité que procurait à l’homme un certain jugement, on a, dit Nietzsche, directement conclu à sa vérité. Or, la « réelle » vérité, c’est celle qu’on a toujours voulu ignorer, la vérité du devenir, de l’éternel écoulement des choses qu’évoquait Héraclite, c’est-à-dire la vérité du monde sensible. On retrouve quelque chose de la pensée nietzschéenne dans le courant philosophique baptisé du nom de pragmatisme et notamment chez James. Pour lui, la vérité n’est pas quelque chose d’inerte à l’égard d’une réalité que la pensée ne ferait que copier. La pensée est indissociable de l’action. Une hypothèse scientifique ne se vérifie que par la réalisation d’une multiplicité d’opérations