Une nuit dans les bras
C’était le jour de l’année que Lucas redoutait entre tous.
Les premiers temps, il avait essayé pour fuir les souvenirs de s’étourdir dans un tourbillon d’activités diverses — conquêtes féminines, soirées échevelées, overdose de travail —, en vain. Quoi qu’il fît, la douleur restait la même. Il avait beau tenter de se concentrer sur le présent, son passé était une partie de lui-même qu’il ne pourrait jamais effacer. La cicatrice resterait toujours à vif, la souffrance serait toujours aussi vive. Il n’y avait pas d’échappatoire, c’est pourquoi depuis quelques années il choisissait de passer cette soirée anniversaire dans un endroit où personne ne le dérangerait et où il pourrait se soûler à loisir.
Il avait quitté Londres en voiture deux heures auparavant pour rejoindre la vaste propriété qu’il finissait de restaurer dans l’Oxfordshire. Là, il avait la certitude de trouver la solitude, seule chose qui lui importait à cet instant. Fait exceptionnel : il avait éteint son téléphone portable et n’avait aucune intention de le rallumer avant le lendemain matin.
La neige tombait de plus en plus dru, et les essuie-glaces de sa puissante berline peinaient à chasser les flocons qui s’agglutinaient sur le pare-brise. Des congères s’étaient formées sur les bas-côtés, et la visibilité était si réduite qu’il avait dû ralentir sensiblement depuis quelques kilomètres.
Fort heureusement, il était un conducteur expérimenté au volant d’une voiture suréquipée. Et de toute façon, à cet
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instant, tout lui était indifférent. Un accident l’aurait à peine perturbé tant son humeur était sombre, son esprit ailleurs.
Le vent qui sifflait sinistrement sur la lande lui rappela les gémissements d’un enfant, et ses mains se crispèrent sur le volant.
Il serra les dents et tenta de se concentrer sur la conduite.
Enfin, il reconnut avec soulagement les deux lions en pierre qui, de part et d’autre du grand portail, marquaient fièrement l’entrée du domaine et