Dans La machine à explorer le temps, H.G Wells dépeint un monde en apparence idéal où le travail semble avoir disparu. On y voit les Eloïs, descendants de l’humanité dans un futur très lointain, qui passent leurs journées à s’amuser et à dormir sans se soucier de rien, ils ne travaillent jamais et semblent posséder la terre de manière naturelle. Cette dernière qui semble être devenue un paradis cache en réalité un terrible secret. Il y a en effet une autre race d’hommes, les Morlocks, habitants primitifs du monde souterrain qui entretiennent et nourrissent les Eloïs à des fins de... cannibalisme ! Ce récit fantastique donne à réfléchir sur le lien entre travail et loisir. Il suggère que le rapport à la liberté et à la servitude est plus complexe qu’il n’y paraît. La notion de société ne repose t-elle pas en effet sur celle de travail ? La satisfaction des besoins humains aussi bien que la formation et l’éveil de l’esprit sont solidaires de l’effort, indispensables pour dépasser les conditions de vie naturelles plutôt hostiles. Aussi, si l’on ne peut nier que le travail présente une dimension douloureuse et ennuyeuse, n’est-ce pas de son effet libérateur que nous pouvons attendre une vie sociale plus libre et plus humaine ? A partir de là une société sans travail est-elle souhaitable ?
Pour traiter ces questions, nous verrons dans un premier temps dans quelle mesure le travail crée du lien social. Nous nuancerons alors ce propos en soulignant la nature également déshumanisante du travail. Dans un deuxième moment, nous mettrons en lumière la double nature du loisir dans son rapport au travail. Enfin, il s’agira de montrer que le travail introduit une « médiation » bénéfique à la société entre nos désirs et leur satisfaction.

Comme le souligne Platon au début de La République, une seule personne ne peut pas tout faire à la fois aussi efficacement que si chacun se spécialise. Dans la mesure où l’une des origines de la société repose sur la nécessité de satisfaire