C’était à l’époque où j’avais entre six et sept ans, l’âge-même où l’innocence et la naïveté sont à fleur chez l’enfant. Mise à part une petite chemisette toujours tâchée et une coupe de cheveux de garçon, j’aimais me considérer comme l’une des plus belles filles de ma classe. Gamines, ma sœur et moi vécûmes de nombreuses mésaventures dont une qui restera toujours gravée dans ma mémoire : Je me revois ce jeudi matin, les yeux pétillants de malice et le visage dominé par une convoitise exubérante :le désir avide de gagner.Malgré que mes petites dents de lait récemment tombées eurent maintes fois étés l’objet de mes vanteries, le sourire que je venais d’afficher n’était pas destiné à les exposer.Non. Je souriais parce que la flamme ensevelie au fond de moi, que seule la victoire était en mesure d’alimenter,s’était déchainée lorsque Myriame nous avait annoncé ce qui était à mes yeux une nouvelle de la plus haute importance: les CP B venaient de nous lancer un défi. Myriame était une jeune africaine obèse aux yeux globuleux. Loin d’être dotée d’une beauté divine ou d’un caractère charmeur, elle représentait pour la majorité d’entre nous la personnification même de la sottise. C’est d’ailleurs pourquoi je persiste encore à croire que c’est par l’un des nombreux miracles de Dieu que Myriame s’est retrouvée chef de notre bande. Néanmoins, je dois vous avouer que sa langue de vipère nous fut d’une aide inestimable lors des face à face avec les CP B. Car voyez-vous, nos deux classes étaient comparables à deux frères ennemis : nonobstant les divers armistices signés afin de former des alliances contre les professeurs, la cloche de l’école faisait transformer la cour de récré en un champ de bataille et les CPB reprenaient alors instinctivement leur rôle de Némésis. Ainsi, il était très fréquent d’entendre « Les CP B, vous êtes des gros bébés » ou encore les protestations de l’ennemi, se résumant souvent à: « eh bien vous, les CP A, vous êtes des gros cacas »…