Victor de l aveyron
Texte
Pour peu que l'on voulût juger de la vie passée de cet enfant par ses dispositions actuelles, on voyait évidemment qu'à l'instar de certains sauvages des pays chauds, celui-ci ne connaissait que ces quatre choses : dormir, manger, ne rien faire et courir les champs. Il fallut donc le rendre heureux à sa manière, en le couchant à la chute du jour, en lui fournissant abondamment des aliments de son goût, en respectant son indolence et en l'accompagnant dans ses promenades, (…).
Un matin qu'il tombait abondamment de la neige et qu'il était encore couché, il pousse un cri de joie en s'éveillant, quitte le lit, court à la fenêtre, puis à la porte, va, vient avec impatience de l'une à l'autre, s'échappe à moitié habillé, et gagne le jardin. Là, faisant éclater sa joie par les cris les plus perçants, il court, se roule dans la neige et la ramassant par poignées, s'en repaît avec une incroyable avidité.
Docteur Jean Itard, « Mémoire sur les premiers développements de Victor de l’Aveyron », 1801, in Lucien Malson, Les enfants sauvages
Contexte
Victor de l’Aveyron fut un de ces enfants que l’on dit « sauvages ». Il fut trouvé il y a 200 ans alors qu’il errait dans les bois. C’est le Docteur Jean Itard qui se chargera de l’éduquer et de l’instruire. Le but étant d’en faire un homme civilisé. Le Docteur Itard a rédigé au jour le jour un Mémoire. Et c’est à partir de ce Mémoire que le cinéaste François Truffaut réalisa en 1969 un film, L’enfant sauvage.
Trouve-t-on la nature de l’homme chez cet enfant ?
La vie qu’a menée l’enfant sauvage dans la forêt correspond-elle à l’état de nature ? Un état initial dans lequel se trouvait l’homme avant l’apparition de la civilisation ?
La démarche du Docteur Jean Itard semble guidée par l’idée de Kant selon laquelle « l’homme n’est homme que par l’éducation », qu’il n’est que ce qu’elle le fait. Autrement dit, la nature est ce qui a vocation à être formée