Voilà un quart de siècle, Commentaire publiait, avant même la publication en anglais, le célèbre article de Francis Fukuyama, « La fin de l’histoire » (no 47, 1989). Après la défaite du nazisme et la chute du communisme, la démocratie libérale ne connaissait plus d’adversaire. L’histoire s’achevait, si on la définissait par la lutte. Le thème, inspiré de Hegel et de Kojève, a donné lieu à beaucoup de controverses. Pour célébrer l’anniversaire de l’article de Fukuyama, et le débat que nous avions ouvert à l’époque, la question de l’avenir de la démocratie libérale mérite d’être revisitée. C’est ce que fait Abram Shulsky. Il a bénéficié de la même formation intellectuelle et philosophique que Francis Fukuyama. Ses travaux, ses livres et les fonctions qu’il a exercées l’ont davantage orienté vers les questions internationales. Son texte a paru en anglais dans la revue de Washington The American Interest (14 août 2014). Son président, notre ami Charles Davidson, et l’auteur ont bien voulu nous autoriser à traduire et à publier cet important article. Réplique brutale de la Révolution orange de 2004, l’Euromaïdan a provoqué une onde de choc dont l’ordre européen, que l’on croyait en voie de stabilisation, s’est trouvé ébranlé. Une véritable révolution cette fois, que l’on n’a pas vu venir. Ni ses acteurs, les Ukrainiens, qui ne la prévoyaient pas si soudaine et radicale ; ni le Kremlin, l’instigateur d’une réaction en chaîne mal contrôlée ; ni les Européens confiants dans les vertus de l’interdépendance croissante des intérêts de part et d’autre du continent ; ni les États-Unis, passés à autre chose. La fin d’une époque ? Sans doute, et en tout cas de bien des illusions. Contre toute attente, l’Europe bipolaire semble pour un temps de retour, obligeant à une coexistence d’un nouveau type à laquelle tous n’étaient pas préparés. Les cartes sont rebattues d’un jeu dont les partenaires doivent redéfinir les principes, les règles. Dont l’Ukraine, avec laquelle il faut