Ville, Architecture et Modernité
(paru dans "Mujtamaa wa Umran" , n° 25, revue des études urbaines (texte remanié de la conférence donnée à l'École
Nationale d'Architecture et d'Urbanisme de Tunis en octobre
1997), Tunis, 1998, p.33-46.)
Plus que jamais la ville est à l'ordre du jour. On ne cesse de se pencher sur son lit de malade, voire, comme le croient certains, sur son lit de mort… Je voudrais vous en parler, pour ma part, dans la perspective de la "ville habitable", en associant ici mes approches d'architecte et de sociologue, et en reprenant la conception finalement très moderne de l'architecte de la Renaissance Léon Battista Alberti. La ville était, selon lui, une grande maison et réciproquement la maison était une petite ville [Choay, 1980].
Le langage courant lui même dit bien en quoi nous habitons tant notre ville que notre maison. D'ailleurs, à une plus vaste échelle, ne nous désigne-t-on pas comme les habitants de la terre ? Mais le monde à ces différentes échelles reste-t-il habitable ? Là est toute la question !
Mon regard sera d'abord celui de l'architecte : il part de la maison et s'échappe par la fenêtre, vers les échelles plus larges de la ville et de la planète. C'est aussi de cette façon que l'habitant appréhende le monde, cet habitant dont s'occupe de manière privilégiée le sociologue. Je lui emprunterai aussi son regard. Ces "manières de voir" diffèrent de celle du géographe qui aime bien regarder la terre comme un globe, d'en haut, et
"zoomer" ensuite sur des parties de territoire. Ces "points de vue" dessinent deux conceptions de l'urbanisme : celle qui est issue de l'architecture et qui parle de la maison comme "urbe élémentaire", selon le néologisme inventé par le fondateur de l'urbanisme Ildefonso Cerdà
(1867), et celle qui relève de la géographie et qui fait de l'aménagement, dans les années 60, au moment où les États s'occupent d'équilibrer leurs territoires, le versant opératoire d'une