Voler
Alors que j'étais à Gretz Armainvilliers la semaine dernière, j'aperçus la stèle célébrant le premier vol au monde, le 9 octobre 1890. En effet, l'aviateur Clément Ader avait, pour la première fois dans toute l'humanité, réussi à faire décoller un petit avion sur une cinquantaine de mètres. L'hommage que nous lui rendons symbolise aujourd'hui encore l'envie obsessionnelle de tout homme, celle de voler. Du latin volare, ce verbe intransitif signifie « se déplacer dans l'air ». Depuis des générations, les humains rêvent de changer d'horizon, parfois même, semblables à des oiseaux, les voit-on parcourir le ciel en deltaplane, parapente... En réalité, pourquoi chacun est-il animé par ce désir de voler ? Pourquoi les fillettes, jadis, rêvaient-elles toutes un jour de devenir hôtesse de l'air ? Sans nul doute sommes-nous en quête de liberté, un besoin d'émancipation comme nous l'enseigne la locution « voler de ses propres ailes ».
De la même manière que Don Diègue l'ordonne à son fils dans l'œuvre de Corneille au cours de la célèbre gradation « va, cours, vole et nous venge. », il se dégage du verbe voler une force, une idée de vitesse, une puissance sans précédent, si bien que l'on peut même voler en éclats ! Toujours dans l'esprit de rapidité, « voler au secours de quelqu'un » traduit la spontanéité du geste.
A contrario, voler suscite également la légèreté. Ce rêve jamais atteint, ce vœu si souvent exprimé de se laisser aller au gré des vents, d'être en suspension dans l'air telle la poussière emportée par un léger souffle de bise ou telles les cendres d'un défunt, ne serait-ce point une façon d'être enfin léger et libre ? « La pensée vole et les mots vont à pied », comme le dit si bien l'auteur Julien Green, laisser ses pensées défiler sans aucune limite, d'où la référence au ciel, cet espace infini. Voler, c'est aussi vouloir s'évader, planer, ne plus être prisonnier de soi, de sa condition, se séparer de son enveloppe charnelle quelques instants