Volonté générale et volonté de tous : commentaire du Livre IV du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau

Il saute aux yeux que le Livre IV du Contrat social constitue, au moins dans ses premiers chapitres, un prolongement de la réflexion amorcée au Livre II. Les thèmes qui y sont abordés poursuivent sur la même lancée et participent de la même problématique que dans celui-ci. La question de la volonté générale et celle de son expression (les suffrages) s’insèrent ici dans la perspective globale de la préservation de la République et des moyens d’assurer son maintien. Aussi, l’important chapitre VIII sur la religion civile en tant que ciment des liens sociaux s’inscrit à un point crucial dans cette optique. Toutefois, bien qu’il y ait beaucoup à dire sur cet aspect de la pensée de Rousseau, cet exposé s’attachera surtout à analyser la notion de volonté générale en la distinguant bien de la volonté de tous.[1]

Il semble assez clair dans la pensée politique de Rousseau que la volonté générale ne doit pas être confondue, sous peine de rater sa véritable signification, avec un mouvement général d’opinion, non plus qu’avec une âme collective. Robert Derathé, sans doute pour dissiper tout malentendu de ce genre, choisit d’ailleurs d’illustrer l’essence de cette volonté générale comme l’avis qu’exprime un citoyen lorsqu’il se prononce en toute conscience sur un sujet d’intérêt commun, en écartant à cette occasion toute considération de ses intérêts immédiats comme personne privée.[2] Par cette définition, on aperçoit clairement que la volonté générale, dans son essence, a sa racine dans chaque particulier et, en ce sens, elle est une règle universelle, une règle rationnelle. Du reste, il ne saurait en être autrement si l’on pose que cette volonté n’est pas une chimère théorique mais qu’elle existe effectivement. C’est par conséquent en chacun qu’elle s’incarne, et à partir de chacun qu’elle s’exprime.

Il apparaît alors que la volonté générale ne