Yvain, chevalier au lion
Quies hom tu es, et que tu quiers
- Je sui, fet il, uns chevaliers
Qui quier ce que trover ne puis ;
Assez ai quis, et rien ne truis.
« - Mais toi à ton tour, dis moi donc quelle espèce d’homme tu es et ce que tu cherches.
- Je suis, comme tu vois, un chevalier qui cherche sans pouvoir trouver ; ma quête a été longue et elle est restée vaine.
- Et que voudrais-tu trouver ?
- L’aventure, pour éprouver ma vaillance et mon courage. Je te demande donc et te prie instamment de m’indiquer, si tu en connais, quelque aventure et quelque prodige.
- Pour cela, dit-il, il faudra t’en passer : je ne connais rien en fait d’aventure et jamais je n’en n’ai entendu parler. Mais si tu voulais aller près d’ici jusqu’à une fontaine, tu n’en reviendrais pas sans peine, à moins de lui rendre son dû. A deux pas tu trouveras tout de suite un sentier qui t’y mènera. Va tout droit devant toi, si tu ne veux pas gaspiller tes pas car tu pourrais vite t’égarer : il ne manque pas d’autres chemins. Tu verras la fontaine qui bouillonne, bien qu’elle soit plus froide que le marbre, et l’ombrage du plus bel arbre que Nature ait pu créer. En tout temps persiste son feuillage car nul hiver ne l’en peut priver. Il y pend un bassin de fer, au bout d’une chaîne si longue qu’elle descend jusque dans la fontaine. Près de la fontaine tu trouveras un bloc de pierre, de quel aspect tu le verras ; je ne saurais te le décrire, car jamais je n’en vis de tel ; et, de l’autre côté, une chapelle, petite mais très belle. Si avec le bassin tu veux prendre de l’eau et la répandre sur la pierre, alors tu verras une telle tempête que dans ce bois ne restera nulle bête, chevreuil ni cerf, ni daim ni sanglier, même les oiseaux s’en échapperont ; car tu verras tomber la foudre, les arbres se briser, la pluie s’abattre, mêlée de tonnerre et d’éclairs, avec une telle violence que, si tu peux y échapper sans grands dommage ni peine, tu auras meilleures chance que nul chevalier qui y