IntroductionDans les romans que Raymond Queneau a publiés après-guerre, tels que Le dimanche de la vie 1, Zazie dans le métro 2 et Les fleurs bleues 3, cet écrivain a exploité une nouvelle forme romanesque pour décrire à sa manière le Paris contemporain, la réalité qu’il a vécue lui-même. Les romans ci-mentionnés se caractérisent surtout par l’équilibre remarquable du réel et de l’irréel : le monde fictif et imaginaire se trouve là en rapport particulier avec le monde réel, de sorte que ces deux domaines se contaminent l’un l’autre. Cette zone frontière, que désignent les romans de Queneau, semble traduire le conflit qu’engendrent chez cet auteur deux pulsions contradictoires : la volonté de raconter la réalité de son époque et la méfiance à l’égard de cette volonté, ainsi que la présente étude illustrera à travers la lecture de Zazie dans le métro.L’héroïne de ce roman arrive à Zazie, dont le seul espoir était précisément de prendre ce dernier mais, malgré cette déception, elle démarre une aventure tantôt seule, tantôt accompagnée de personnages bizarres – son oncle Gabriel, susceptible d’être homosexuel, qui travaille comme « Paris, pour y passer un jour et demi sous la garde de son oncle. Dès son arrivée, la grève du métro démoralise danseuse de charme » dans une boîte de « tantes », le « flic ou satyre » Trouscaillon, le chauffeur de taxi Charles, Madame veuve Mouaque, folle d’amour, le guide touristique slave Fédor Balanovitch, les touristes multinationaux, etc. Zazie visite d’abord le marché aux puces, monte ensuite sur la tour Effel, apprécie le numéro de Gabriel au Mont-de-Piété, etc. Son aventure, courte mais extravagante, se déroule ainsi jusqu’à ce qu’elle participe à une bagarre dans un café-restaurant, très tôt dans la matinée. Cette étude observe en premier lieu la modalité conflictuelle du monde romanesque : Queneau construit son univers fictif en même temps qu’il en signale volontairement la facticité pour rendre impossible l’existence de ce monde.