e=mc2 mon amour
Je m’appelle vraiment Lauren. »
Il rit et moi avec. J’espère qu’il remarque mes dents blanches. Je ne me suis jamais encore promenée avec un homme, pas plus avec l’autre grande échelle boutonneuse de terminale qu’avec le trapu râble aux lèvres-ventouses. Et voilà que cela se produit, qu’enfin en ce jour d’été, en ce parc de ville d’eaux, sous un ciel ripoliné, j’avance avec ce garçon hier encore inconnu. Je fatigue parce que je bombe la poitrine.
« Où tu habites ici ?
– A l’Impérial », dis-je.
Il siffle.
« Un quatre-étoiles, remarque-t-il, on doit être pas mal à l’aise chez toi. »
Attention, il faut que j’évite le conflit des classes sociales. « Mes parents ont de l’argent, mais je ne partage pas toutes leurs opinions. »
Il grimace et, soudain, l’atmosphère de luxe qui m’entoure depuis onze longues années me semble une chape insupportable.
« D’ailleurs, dis-je, j’ai parfois songé à m’inscrire au Parti. »
Il hoche la tête.
« Je comprends ça ; moi, ce qui me fait reculer, c’est la pauvreté actuelle du cinéma soviétique. »
Je le regarde. Son profil se découpe sur le vert des arbres.
« Tu as l’air d’aimer le cinéma. »
Il sourit.
« Terrible. »
On a tourné à gauche ensemble, sans se concerter.
L’allée monte en pente douce, et là-haut ce doit être le ciel, le bleu dans lequel nous disparaîtrons, enlacés : les amants du haut de la colline.
« Moi, dis-je, je n’y vais pas très souvent. »
Presque personne ici, les chaises de jardin sont désertées. Il s’arrête.
« Je t’y mènerai si tu veux... »
Mes yeux se ferment, oh ! mon amour, l’avenir déjà se dessine : dans l’ombre d’une salle obscure, deux fauteuils où nos corps s’enlacent éperdument plus jamais le futur ne sera le même, dans le Paris d’automne, nous marcherons comme aujourd’hui vers les rêves en T echnicolor...
« Avec mon copain Londet, on passera en douce, c’est au Royal Casino, on y voit de sacrées peloches. »
Joyeux vocabulaire. Je peux avoir sur lui, de ce