L'évolution de l'image et du rôle du juge au sein de la société
L’image du juge (magistrat de l’ordre judiciaire) dans la civilisation occidentale a été souvent teintée de méfiance et de soupçon. Aux yeux des philosophes des Lumières, la magistrature est considérée comme le bastion de l’Ancien Régime, de l’intolérance religieuse et des privilèges.
L’évolution qui s’est produite depuis les jours de la Révolution française et l’épisode de la codification napoléonienne ont fait prévaloir que le juge ne soit qu’un simple organe d’application des lois rompant ainsi avec la tradition de l’Ancien Régime. L’idée que les juges pouvaient constituer un pouvoir propre s’est peu à peu évanouie et la justice n’a cessé d’être soumise à des statuts fragiles. Cette vision qui perdure tout au long du XIXème siècle est remise en cause aujourd’hui. Par la réévaluation du rôle du droit dans la politique, la juridictionnalisation croissante des rapports sociaux, la fonction du juge se démultiplie. Le juge de nos démocraties n’est plus seulement celui qui arbitre et tranche les litiges, il devient celui qui comble les lacunes du droit, qui garantit les libertés individuelles contre l’arbitraire…
L’expression « gouvernement des juges » (introduit en France en 1921 par Lambert), comporte en soi l’idée d’usurpation, d’empiètement puisqu’elle associe deux termes que tout oppose, deux fonctions qui s’excluent mutuellement : juger et gouverner. Gouverner désigne l’autorité politique, c’est-à-dire le pouvoir de prendre et faire appliquer des décisions, des normes qui concernent l’ensemble de la société. Les gouvernants doivent pour ce faire être dotés d’une légitimité démocratique. Les juges, quant à eux, n’ont ni légitimité démocratique, ni pouvoir d’agir ou d’édicter des normes. Ils ne sont qu’arbitres, se prononçant sur des cas particuliers après avoir été saisis. Cette expression se réfère donc à l’accroissement du pouvoir du juge, de nos jours, et à sa maîtrise du politique,