L' ecole des femmes
ARNOLPHE
Traîtres, qu’avez-vous fait par cette violence ?
ALAIN Nous vous avons rendu, Monsieur, obéissance.
ARNOLPHE De cette excuse en vain vous voulez vous armer.
1355 L’ordre était de le battre, et non de l’assommer ;
Et c’était sur le dos, et non pas sur la tête,
Que j’avais commandé qu’on fît choir la tempête.
Ciel ! dans quel accident me jette ici le sort ?
Et que puis-je résoudre à voir cet homme mort ?
1360 Rentrez dans la maison ; et gardez de rien dire
De cet ordre innocent que j’ai pu vous prescrire.
Le jour s’en va paraître, et je vais consulter
Comment dans ce malheur je me dois comporter.
Hélas ! que deviendrai-je ? et que dira le père,
1365 Lorsque inopinément il saura cette affaire ?
SCÈNE II
HORACE, ARNOLPHE.
HORACE
Il faut que j’aille un peu reconnaître qui c’est.
ARNOLPHE Eût-on jamais prévu... Qui va là ? s’il vous plaît.
HORACE C’est vous, Seigneur Arnolphe ?
ARNOLPHE Oui ; mais vous...
HORACE C’est Horace. Je m’en allais chez vous, vous prier d’une grâce,
Vous sortez bien matin !
ARNOLPHE, bas
1370 Quelle confusion ! Est-ce un enchantement ? est-ce une illusion ?
HORACE J’étais, à dire vrai, dans une grande peine ;
Et je bénis du Ciel la bonté souveraine,
Qui fait qu’à point nommé je vous rencontre ainsi.
1375 Je viens vous avertir que tout a réussi,
Et même beaucoup plus que je n’eusse osé dire ;
Et par un incident qui devait [1] Devait : aurait dû. tout détruire.
Je ne sais point par où l’on a pu soupçonner
Cette assignation qu’on m’avait su donner :
1380 Mais étant sur le point d’atteindre à la fenêtre
J’ai, contre mon espoir, vu quelques gens paraître,
Qui sur moi brusquement levant chacun le bras
M’ont fait manquer le pied et tomber jusqu’en bas ;
Et ma chute aux dépens de quelque meurtrissure,
1385 De vingt coups de bâton m’a sauvé l’aventure.
Ces gens-là, dont était je pense mon