L'abus des droits : une théorie controversée
Le terme « controverse », issu des mots latins contra et versum (littéralement « tourné contre, vers l’autre côté »), désigne traditionnellement une dispute en règle sur une question, une opinion religieuse ou philosophique . Appliqué au droit, il vise plus particulièrement le débat dont un concept juridique fait l’objet au sein de la doctrine, entité « consubstantielle au droit » selon François Terré.
Parmi les multiples controverses que le droit civil a connues au fil des âges, il en est une qui, encouragée par les exemples de droit comparé, notamment outre-rhin, a marqué avec une force rare les esprits juridiques au tournant des 19ème et 20ème siècles. Relative à l’abus des droits, cette controverse se caractérise non seulement par le prestige des juristes qui l’ont alimentée (Josserand, Saleilles, Planiol, Ripert…) que par l’intensité avec laquelle les passions doctrinales se sont déchainées à son sujet. Messieurs Ph. Malaurie et L. Aynès n’ont ainsi pas hésité à la qualifier d’affrontement « à fleurets mouchetés ». Malgré une ampleur non démentie, la controverse relative à l’abus des droits est aujourd’hui passée sous silence par la plupart des manuels de droit civil. Rares sont en effet ceux qui choisissent de dépasser la thèse du doyen Josserand en révélant à leurs lecteurs son existence, ne serait-ce qu’en quelques lignes.
La présente étude a dès lors pour objectif principal de faire état de la pluralité des thèses qui se sont opposées en matière d’abus des droits sans qu’il soit à proprement parler procédé à sa présentation d’un point de vue théorique.
Il sera dans un premier temps exposé que l’abus des droits est un concept ancien que le doyen Josserand a porté à son paroxysme à l’aube du 20ème siècle (I). L’existence d’un vent de contestation dont la portée est aujourd’hui limitée