L'anorexie
Muriel Darmon sur l’anorexie, dont la première édition datait de 2003. Effectuant un pas de côté des théories médicales et psychanalytiques de l’anorexie, Muriel
Darmon propose une approche par les pratiques et les expériences, analysant les processus qui mènent des jeunes femmes à être diagnostiquées anorexiques. Elle y considère l’anorexie comme un « travail », décrivant une oeuvre de transformation
ANALYSES DE LIVRES 203
Santé publique 2008, volume 20, n° 2, pp. 201-204 de soi, de son quotidien et de ses goûts. Le concept de « carrière » est utilisé pour problématiser cette approche centrée sur l’activité, l’engagement.
Les entretiens avec des jeunes filles anorexiques, hospitalisées ou non, sont complétés par des entretiens avec d’autres lycéennes du même âge. Les récits traduisent l’évolution des pratiques alimentaires mais aussi de pratiques associées
– forts investissements scolaires et sportifs – dans une volonté de la jeune femme à s’engager et se maintenir dans une « prise en main » d’elle-même. Muriel Darmon illustre avec finesse la construction de ces pratiques : utilisation de techniques de mesure des aliments, d’évitement des repas, recherche d’occasions multiples d’effort physique au quotidien. Elle montre le caractère improbable et conjoncturel du maintien de la jeune femme dans ce nouvel engagement, se dégageant d’une vision figée de la pathologie diagnostiquée. Plutôt que l’influence directe des représentations du corps féminin véhiculées dans les médias, c’est l’approbation de l’entourage (famille, amis) valorisant l’amaigrissement de la jeune fille, encourageant la poursuite de ses efforts scolaires, qui se constitue, dans un premier temps, appui de l’engagement. Peu à peu, la progression de l’amaigrissement suscite des réactions d’alertes dans ce même entourage, la surveillance se fait pressante et la jeune femme est amenée à développer