EDVARD MUNCH OU L'ANTI-CRI À LA PINACOTHÈQUE
Une exposition critique?

Sarah Dinkespiler
M1
UFR d'études slaves

Juin 2010 À en croire Saint-John Perse[1], lequel s'en réfère, dans ses Amères entre autres, à l'étymologie grecque, le mot critique possède deux acceptions principales. De kritikos, la décision, il désigne, sous sa forme adjectivale notamment, le moment déterminant, en bien ou en mal, l'issue d'une maladie. En d'autres termes, il indique un tournant tantôt vers la guérison, tantôt vers la mort. De nos jours, pourtant, il semblerait que le pessimisme soit de rigueur. En effet, la société actuelle a davantage tendance à assimiler les expressions « stade critique », « stade décisif » et « stade terminal », tant et si bien que le nom féminin « critique » a fini par devenir le synonyme de remarque désobligeante. Critiquer dans le langage courant c'est émettre un jugement négatif. À l'inverse, les Grecs voyaient dans le juge et son verdict la figure non tant de la condamnation en particulier, que celle de la justice en générale. De même que Thanatos tranche le fil de la vie, de même, le magistrat peut trancher en faveur ou au détriment de l'accusé. Pareille attitude est celle que se doit d'adopter le critique d'art. Lié à l'essor de l'abstraction picturale contrevenant aux canons académiques, ce personnage est apparu sur le devant de la scène esthétique comme le héraut de la modernité et de l'avant-garde. Contrairement à l'historien de l'art chargé d'articuler des données dans le sens de l'histoire, le critique se cantonne exclusivement à l’actualité. Médiateur patenté entre l’artiste, le marché et le spectateur, il est censé, au terme d'un examen attentif, comprendre, puis traduire au public le contenu, soit le message d'une oeuvre. Autrement dit, il doit être capable de cerner, et d'aider les autres à cerner, a posteriori la spécificité du travail d’un artiste contemporain. Relayée par la publicité et les