L'art de la prose
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Yvan G. LEPAGE L’art de la prose « Plaisir du texte, texte de plaisir », osait déjà écrire Roland Barthes, ce maître à penser de la génération des soixante-huitards. Libérés du poids des tabous de la tradition, les enfants de Mai 68 avaient découvert que sous les pavés se cachait la plage. Barthes leur enseignait que le plaisir était synonyme de contentement intellectuel et de jouissance charnelle. On n’a plus jamais lu de la même façon, depuis. Aujourd’hui, pour plaire, pour séduire, un texte, quel qu’il soit, doit satisfaire tout à la fois l’esprit, le cœur et les sens. La lecture est à ce prix. Et l’auteur qui prétend ne s’adresser qu’à l’une de ces trois composantes de l’être humain risque bien de se retrouver sans lecteur. « Instruire et plaire », disait-on au XVIIe siècle. Cette leçon n’a pas perdu de son actualité. Tout texte digne de ce nom — y compris la bande dessinée — combine plus ou moins subtilement, et à doses variables, critique, éthique et esthétique. Le rôle du maître est de dégager ces diverses dimensions, afin de permettre au lecteur inexpérimenté de les saisir et de les apprécier. Laurent Mailhot est en ce sens un excellent professeur, parce qu’il sait non seulement « lire », mais faire partager, grâce à sa plume, le plaisir que la lecture — ou la relecture — lui procure. La tentation est grande de lui appliquer cette définition qui clôt son livre : « L’authentique ou pur prosateur ne veut pas enseigner, renseigner, convertir, vaincre, convaincre, mais seulement créer, donner à voir et à entendre, à lire. » (p. 296) Les « plaisirs de la prose » auxquels il nous convie ne nous séduisent que parce que lui-même sait nous enchanter par ses qualités de prosateur. Et, un peu à la manière de Dante guidé par Virgile