L'art
L’art est-il donc quelque chose de vraiment à part ? Une œuvre est-elle un objet comme aucun autre ? Ce qui résiste, c’est qu’il n’y a rien que nous puissions lui attribuer qui n’appartienne pas aussi à n’importe quel autre objet. L’art est plaisant comme un loisir, beau comme une belle montre, lassant comme un gadget, utile comme un instrument.
Une œuvre nous divertit, puis s’oublie, coïncide avec nos goûts particuliers, puis s’éloigne de nos intérêts, mais alors quelle spécificité ? Il y a quand même une différence. L’art a beau être aussi plaisir, fonction, renouvellement, nous avons avec lui un rapport différent. Ce n’est pas le même plaisir, ni la même utilité ou apparence. La différence, c’est qu’il nous dépasse, tandis que nous égalons tout le reste.
Un loisir n’est rien de plus que le plaisir que nous y prenons, une belle robe rien d’autre que l’usage que nous en faisons. Un film, un livre, un jeu : leur être, leur forme, leur fonction s’épuisent dans ce que nous en faisons. Mais une cathédrale ? Mais un tableau ? Mais un grand morceau ? Leur beauté, leur sens, leur apparence sont toujours au-delà de ce que nous en saisissons. Comme le dit Hannah Arendt, aucun sentiment religieux n’explique entièrement la beauté d’un bâtiment – celle-ci l’excède encore.
Oui, l’originalité et la grandeur de l’art, c’est sa transcendance, il est toujours plus grand que nous, irréductible et inabsorbable. L’art n’est donc pas un loisir comme un autre, on ne s’en sert pas comme d’un objet, on n’en jouit pas comme d’un bien. Réapprenons la gratuité et la grandeur de