L'homme de cour
L’homme de cour
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Baltasar Gracián
L’homme de cour traduit de l’espagnol par Amelot de la Houssaie
La Bibliothèque électronique du Québec Collection Philosophie Volume 13 : version 1.0
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Titre original : Oraculo manual y arte de prudencia.
La première édition de L’Homme de cour, traduit de l’espagnol par Amelot de la Houssaie, a été publiée à Paris, chez la veuve Martin et Jean Boudot, au Soleil d’or, en 1684.
Image de couverture : Baltasar Gracián (retable conservé à Graus).
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L’homme de cour
(Éditions Gérard Lebovici, Paris, 1990.)
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I
Tout est maintenant au point de sa perfection, et l’habile homme au plus haut. Il faut aujourd’hui plus de conditions pour faire un sage, qu’il n’en fallut anciennement pour en faire sept ; et il faut en ce temps-ci plus d’habileté pour traiter avec un seul homme, qu’il n’en fallait autrefois pour traiter avec tout un peuple.
II
L’esprit et le génie. Ce sont les deux points où consiste la réputation de l’homme. Avoir l’un sans l’autre, ce n’est être heureux qu’à demi. Ce n’est pas assez que d’avoir bon entendement, il faut encore du génie. C’est le malheur ordinaire des malhabiles gens de se tromper dans le choix de leur profession, de leurs amis, et de leur
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demeure.
III
Ne se point ouvrir, ni déclarer. L’admiration que l’on a pour la nouveauté est ce qui fait estimer les succès. Il n’y a point d’utilité, ni de plaisir, à jouer à jeu découvert. De ne se pas déclarer incontinent, c’est le moyen de tenir les esprits en suspens, surtout dans les choses importantes, qui font l’objet de l’attente universelle. Cela fait croire qu’il y a du mystère en tout, et le secret excite la vénération. Dans la manière de s’expliquer, on doit éviter de parler trop clairement ; et, dans la conversation, il ne faut pas toujours parler à cœur ouvert. Le silence est le sanctuaire de la prudence. Une résolution déclarée ne fut jamais estimée. Celui qui se déclare s’expose à la