L'homme
Avec ses caprices, la Lune Est comme une frivole amante; Elle sourit et se lamente, Et vous fuit et vous importune.
5 La nuit, suivez-la sur la dune, Elle vous raille et vous tourmente; Avec ses caprices, la Lune Est comme une frivole amante.
Et souvent elle se met une
10 Nuée en manière de mante; Elle est absurde, elle est charmante; Il faut adorer sans rancune, Avec ses caprices, la Lune.
BANVILLE (de) T., « La Lune » dans Rondels (XIXe siècle).
TRISTESSES DE LA LUNE de C. Baudelaire
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.
La Lune offensée, (1862) Baudelaire
O Lune qu'adoraient discrètement nos pères,
Du haut des pays bleus où radieux sérail,
Les astres vont te suivre en pimpant attirail,
Ma vieille Cynthia, lampe de nos repaires,
Vois-tu les amoureux sur leurs grabats prospères,
De leur bouche en dormant montrer le frais émail ?
Le poète buter du front sur son travail ?
Ou sous les gazons secs s'accoupler les vipères ?
Sous ton domino jaune, et d'un pied clandestin,
Vas-tu, comme jadis, du soir jusqu'au matin,
Baiser d'Endymion les grâces surannées ?
"- Je vois ta mère, enfant de ce siècle appauvri,
Qui vers son miroir penche un lourd amas d'années,
Et plâtre artistement le sein qui t'a nourri ! "
Les Stances
Belle lune