L'instinct vital
De ce que M. Bergson et quelques philosophes contemporains ont enseigné l'excellence de l'intuition, de " l'instinct vital " pour la découverte de la vérité métaphysique et pour la recherche des formes élevées de l'art, beaucoup de nos contemporains prétendent en inférer que toute impulsion, du moment qu'elle est spontanée et sincère, sera bonne. De là à glisser vers l'affranchissement de toute règle, de toute discipline, il n'y a qu'un pas et il est vite franchi.
L'homme a toujours détourné, au profit de son égoïsme et de ses passions, les plus beaux enseignements : il finit invariablement par mettre de la ténèbre dans la lumière.
Dans son beau livre de " l'Évolution de l'Idée ", F. Ch. Barlet a montré qu'au début de chaque civilisation, de chaque grand mouvement philosophique, social ou religieux, des initiateurs ont été chargés de faire descendre ici bas quelques-unes des clartés d'en Haut : leurs disciples se sont emparés de cette nourriture supérieure et, en essayant de se l'assimiler, l'ont adultérée jusqu'à la rendre méconnaissable. Il en a été ainsi au début des civilisations grecque et romaine, aux premiers siècles du Christianisme, lors de la première floraison de la religion de Mahomet, etc :
Il en est de même, dans une sphère plus restreinte, de toute idée vraiment originale et féconde : les commentateurs défigureront plus ou moins la pensée du maître.
Le progrès a lieu par cycles qui se renouvellent en s'élevant, chaque fois, d'un degré : c'est une spirale où tout a une naissance, une période de maturité, puis un déclin au bout duquel la mort est suivie d'une renaissance.
La théorie de l'intuition aura, sans doute, le même sort : ne nous étonnons pas qu'on l'ait détournée rapidement de sa pureté essentielle. Elle renferme une grande part de vérité, en ce sens qu'il existe en nous un rayon de la Lumière qui nous sollicite incessamment vers le Bien et qui est capable, à lui seul, de nous conduire à la