L'odyssée d'homère
Gabriel Germain le dit bien :"Quand l'état de la mer est favorable, l'aède ne s'arrête pas à le décrire. S'il trace une fois, en deux vers, l'image d'un calme soudain, c'est qu'il s'agit d'un fait surnaturel, qui immobilise le vaisseau aux abords des Sirènes. En revanche on peut dire qu'il s'est fait une spécialité des tempêtes."(Genèse de l'Odyssée. Le fantastique et le sacré. Paris PUF, 1954, p. 603)
En fait, dans l'ordre dans lequel se présente notre texte de l'Odyssée, la première tempête racontée est celle que subit Ulysse peu de temps après avoir quitté l'île de Calypso, au chant V, puis dans les récits d'Ulysse chez les Phéaciens au chant VII, puis au chant IX, au départ du pays des Cicones, au chant X, quand ses compagnons dénouent malgré l'interdit l'outre d'Eole, et au chant XII après le festin sacrilège des bœufs du Soleil. Dans les récits d'Ulysse comme dans celui du narrateur (au chant V), ces scènes de tempête sont des "scènes typiques" pour reprendre la terminologie de Walter Arend (1933) : navigation tranquille avec une douce brise, soudain, le ciel s'assombrit, la mer se gonfle, les vents se déchaînent, les matelots sont emportés par les vagues, le navire se brise. Chaque tempête a pris à Ulysse quelques-uns de ses compagnons, et c'est par celle qu'il a vécue au départ de l'île des bœufs du Soleil au chant XII qu'il peut expliquer qu'il soit arrivé seul dans l'île de Calypso, à cheval sur les restes de son navire.
Parmi tous le récits de tempête dans l'Odyssée, le point le plus intéressant - rarement remarqué- est que deux d'entre eux se rapportent à la même tempête, celle qu'Ulysse affronte seul entre l'île de Calypso et celle des Phéaciens : le récit du narrateur au chant V et celui du personnage au Chant VII concernent la même "histoire" au sens défini par les narratologues tels Gérard Genette, avec changement de point de vue.