L'écume des jours
Quelques pistes de lecture pour l'étude du chapitre 61 : « L'enterrement de Chloé »
1 - Le portrait grotesque des porteurs « couverts de saleté », avec leurs « vieux habits », dont on voit « les poils rouges de leurs vilaines jambes noueuses » est accompagné d'un comique de gestes : ils tapent sur le ventre de Colin le conducteur chante à tue-tête
2 - Des personnages auréolés de dignité et de sagesse habituellement sont ici déchus de leur respectabilité :
- l'homme d'Eglise ( « le Religieux ») n'est plus qu'une caricature qui gesticule comme un pantin, « s'agite sans conviction » , « l'air renfrogné » en « hurlant des vers latins » et en agitant « une crécelle »
- Dieu lui-même est rabaissé au rang d'un banal humain capricieux, désoeuvré et ignorant ( d'ailleurs, le fait que Colin puisse dialoguer avec Jésus prouve à quel point Dieu n'est pas présenté ici comme une divinité supérieure et inaccessible): « C'était réussi … je me suis bien amusé », « Si nous parlions d'autre chose », buté « n'insistez pas », qui a peur d'endosser les responsabilités « Ce n'est pas moi en tout cas ». Son attitude inacceptable car irresponsable et puérile en devient grotesque.
3 - De plus, le recours à la parodie de la cérémonie funèbre et de tout le rituel de l'enterrement ôte à l'événement sa solennité. Tout se passe ici à l'envers de ce qui se pratique dans notre réalité :
- c'est un camion rouge et sale qui tient de lieu de corbillard
- le camion rouge roule à toute vitesse
- le conducteur chante à tue-tête
- le cortège doit courir pour le suivre
- le Religieux fait n'importe quoi
- tous entrent dans l'église et le cercueil de Chloé reste seul à l'extérieur
- Jésus baille sur sa croix et montre ostensiblement son ennui.
4 - Enfin, certaines scènes de ce passage sont très visuelles , presque de façon cinématographique, à la manière des films muet, et on peut voir une vraie analogie avec les gags traditionnels