L'émigrant de landor road
Compte rendu de la communication au Groupe Hugo du 17 décembre 1988.Ce texte peut être téléchargé soit tel quel, soit aux formats cliquer ici ou pdf
Rendant compte de sa visite au cimetière de Villequier, la 16 septembre 1913, Apollinaire en vient à évoquer les tombes de Léopoldine Hugo et Charles Vacquerie : elles contiennent, écrit-il, les victimes d'un accident dont la mémoire ne passera que lorsque la douleur sublime et la poésie auront cessé d'émouvoir les hommes"1.
On aurait tort, me semble-t-il, de minimiser cette notation sous prétexte que, comme l'estime Madeleine Poisson2, les termes n'en visent pas à l'originalité. Elle-même, après Antoine Fongaro3, a relevé maints souvenirs de Hugo dans les poèmes d'Apollinaire, et parmi eux des réminiscences des Contemplations, au nombre d'une dizaine. Je propose d'en ajouter une et non des moindres puisqu'en elle confluent plusieurs sources toutes issues des Contemplations, dont une du livre même de la douleur, dans ce recueil, "Pauca meae".
Relisons le court texte publié dans Alcools sous le titre "l'Adieu" :
J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens t'en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t'attends
Cette bruyère, cette attente d'un être au-delà de la mort il n'est pas besoin d'être très familier de l'œuvre de Hugo pour y reconnaître les éléments d'un célèbre poème :
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai, vois-tu, je sais que tu m'attends,
(…)
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur4
Chez Apollinaire, la voix vient d'outre-tombe : on serait alors tenté de dire qu'il a composé l'invitation à laquelle répond Hugo. Cette hypothèse se heurte à une difficulté : c'est la morte (ou le mort) en attente qui paraît, dans le texte d'Alcools, avoir cueilli le brin de bruyère, offrandé chez